ÉLOQUENCE DU SILENCE

Abbaye de Sénanque près de Gordes

Bonjour à toutes, bonjour à tous, 

 

J’espère que vous allez bien. 

Juste avant d'entamer le billet, permettez-moi un rappel : 

Le dernier événement philo que j'aurai le plaisir d'animer, cette année, aura lieu dimanche prochain 14 décembre à la Résidence des Indes (La Rochelle) 

sur le thème :

"Qu'est-ce que l'érotisme ?" 

Le lien d'inscription :

Inscriptions "Qu'est-ce que l'érotisme ?"

Et voici le billet !

Dans un premier temps, j’ai pensé vous entretenir du débat qui agite, presque toujours, la période d’avant Noël, à savoir : 

Est-ce qu’un pays laïque, mais de tradition chrétienne, doit garder dans son espace public des signes de sa culture chrétienne (crèches, statues, croix, etc.) ?

Faut-il privilégier les stricts principes du droit au détriment d’une culture ancestrale ou la culture au détriment des purs principes ?

C’est un débat sans fin et qui ressurgit tous les ans, dès qu’une crèche de Noël « s’invite » dans une mairie…

Toutefois, un ami a attiré mon attention sur un autre sujet, mais qui n’est pas sans rapport avec la tradition religieuse.

Il s’agit d’un article de la revue Sciences et Vie (1) sur l’origine de la langue des signes, dite aussi « langue des sourds et muets ». 

Cette origine doit beaucoup à la règle du silence qui a prévalu dans les ordres religieux.

Quand on naît « sourd », on naît aussi « muet ». Car, pour parler, il faut entendre ou avoir entendu. Un enfant qui n’entend pas le langage ne pourra pas le proférer.

Or, cette incapacité a longtemps été considérée, en Occident, comme une infériorité intellectuelle ou existentielle… jusqu’à l’instauration des ordres religieux chrétiens.

Soudain, au Moyen Âge, certaines règles monastiques imposèrent le silence comme dominante de la vie des moines.

Le silence de l’âme et la vie monastique furent donc pionniers dans l’effort pour trouver des gestes communs capables de signifier des pensées en silence (2).  

C’est donc naturellement qu’on trouve des religieux parmi les fondateurs de la langue des signes :

Pedro Ponce de León, moine bénédictin de la Renaissance, Juan de Pablo Bonet, autre religieux (du XVIIe siècle), jusqu’à l’abbé Charles-Michel de l’Épée (XVIIIe siècle), qui fonda à Paris la première école gratuite pour jeunes sourds.

La Règle (chapitre VI) de saint Benoît impose le silence aux bénédictins.

Le murmure même était banni comme un signe de désobéissance et de révolte (3).

La prise de parole se faisait, chaque jour, de façon rituelle, dans la salle du « chapitre », où était lu un chapitre de la Règle – d’où l’expression « prendre voix au chapitre ».

Les ordres monastiques ont donc opéré une révolution « silencieuse », si l’on me permet ce jeu de mots…

D’accord, me direz-vous, mais : 

Que signifie donc « parler » ?

Qu’est-ce que la parole ? dont certains sont privés.

Que signifie « prendre la parole » ?

Un ordinateur ou une intelligence artificielle peut-elle « parler » ?

Ce sont des questions que j’aborde dans un dialogue philosophique que je mets en ligne sur ma chaîne :

accès à la vidéo

Abonnez-vous à la chaîne ! si ce n’est déjà fait.

Dans cette dernière vidéo, je reviens notamment sur un constat étrange : la parole est une fonction « sans organe » (4)…

Étrange me direz-vous, car on parle toujours avec son corps.

Avant de conclure, n'oubliez pas :

 

Si vous appréciez les billets philo et le contenu gratuit mis en ligne, laissez un message sur mon profil :

C'est une façon de soutenir mon travail et mon activité

lien vers mon profil

En vous remerciant de votre attention

Cordialement

Philippe BOULIER

Notes :

1. https://www.science-et-vie.com/science-et-culture/des-siecles-de-silence-dans-les-monasteres-ont-permis-aux-moines-de-creer-la-langue-des-signes-et-de-donner-la-parole-aux-sourds-218830.html

2. « L’ordre de Cluny, au Xe siècle, fut l’un des premiers à constituer un dictionnaire visuel des gestes utilisés dans ses abbayes. Mais il ne s’agissait pas encore d’une langue, plutôt d’un code interne, dérivé du latin et strictement fonctionnel. »

3. Carla Casagrande et Silvana Vecchio, Les péchés de la langue, préface de Jacques Le Goff, traduit de l’italien par Philippe Baillet, Paris, Cerf, 1991.

4. Jacques Fédry, Anthropologie de la parole en Afrique, Première partie, chap. I, p. 15-19.


Image de couverture :

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Abbaye_de_s%C3%A9nanque_avignon_france.jpg
Abbaye de Sénanque, France
Date : 22 October 2018
Source : https://pixabay.com/en/monastery-lavender-levandu%C4%BEov%C3%A9-field-2258291/ archive copy at the Wayback Machine
Auteur : Walkerssk


Suivant
Suivant

Eh bien ! la guerre