NIETZSCHE : “Il n’y a pas de fait, seulement des interprétations”

Nietzsche : pas de fait

 

« Il n’y a pas de fait, seulement des interprétations »

Nietzsche, Fragments Posthumes, t. XII, 7 (60), p. 304-305 (fragment 481).

« Quoi ! », me direz-vous, « Il n’y a pas de faits ? »

« Et le journalisme, alors ? Les reportages ? Les constats ? Les procès-verbaux ? Les observations ? Les comptes-rendus ?

Est-ce qu’ils n’énoncent pas des « faits » ? »

Ainsi, comment nier la réalité des « faits » ?

Comment vivre dans un monde sans « faits » ?

Ce sont les « faits concrets partageables » qui permettent de s’accorder sur une situation et de débattre, de dialoguer, en espérant trouver un accord entre des positions divergentes.

Face à cette nécessité incontestable des faits, vous serez sans doute tentés de penser de cette idée philosophique ce que le Dom Juan de Molière pensait de la constance ou de la fidélité en amour : « elle n’est bonne que pour des ridicules »…

Toutefois, après ce premier moment de révolte et de scandale, vient la question, peut-être plus décisive, de savoir ce que peut bien vouloir dire Nietzsche en niant l’existence objective des « faits ».

Quelques mots d’explication :

Nietzsche souligne que notre perception du monde est issue d’une traduction et même de plusieurs traductions. En effet, nous traduisons le monde plusieurs fois.

Or, ces traductions successives sont des créations de réalités ou des « sphères » de réalité, qui nous éloignent de ce qui serait l’existence pure et simple des « faits ».  

Pour mieux comprendre :

Voici une première traduction du monde : tout ce qui agit sur nos sens provoque, dans notre corps, un signal nerveux (électrique). Le monde autour de nous se traduit donc en informations, à l’intérieur de notre corps, sous la forme de signaux.

Voici une deuxième traduction, qui s’ajoute à la première : les signaux nerveux provoquent, à leur tour, des représentations mentales dans notre esprit. En effet, nous nous représentons le monde d’une certaine façon. Cette réalité mentale est une nouvelle sphère de réalité.

Voici une troisième traduction, qui s’ajoute aux deux autres : Nos représentations mentales sont transmises et communiquées par le langage, à savoir les mots, les signes, les métaphores propres à la langue que nous parlons. Ainsi, le contenu de notre conscience est exprimé en un ensemble de symboles arbitraires. « Arbitraires », car chacune des langues est différente des autres. Chaque langue a son propre univers, ses propres sonorités, consonnances ; elle contient une expérience du monde sédimentée dans ses expressions.

A chacune de ces étapes, ce ne sont pas les « faits » qui sont retranscrits, mais une bulle de réalité qui est créée.

J’en parle dans la dernière vidéo publiée sur la chaîne (à partir de la minute 03:18), vidéo qui traite d’un sujet plus large : « La Médiation ».

La vidéo est accessible par le bouton contenu dans ce billet philo.

J’aborderai également cette question dans la vidéo suivante, que je publierai dans quelques jours et qui sera consacrée spécifiquement à Nietzsche.

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En vous remerciant de votre attention

Cordialement

Philippe BOULIER

 

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